On s'en doutait mais le coronavirus l'a hélas confirmé : l’État est loin d'avoir la souplesse et l’organisation nécessaire pour faire face seul à une épidémie de l’ampleur et de la gravité du coronavirus. Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la dimension médicale. Les divergences entre médecins nous incitent, si besoin était, à faire preuve de la plus grande prudence mais à souligner l’incohérence des annonces, des décisions et des mesures gouvernementales.
Une crise de la parole de l’État : l’inutilité supposée des masques, affirmée avec force, a cédé la place à l’obligation du port du masque. De là à imaginer que la première réaction était exclusivement motivée par l’absence de stocks, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi, à tort ou à raison. Reste que ce changement radical de position a largement contribué à décrédibiliser la parole publique, ce qui n’est pas sans conséquence encore aujourd’hui sur l’acceptabilité de décisions qui devraient susciter l’unanimité.
Des décisions incompréhensibles : la fermeture de certains lieux publics s’est révélée incompréhensible. Alors même qu’un protocole sanitaire était adopté en accord avec les ministères concernés afin d’apporter une sécurisation maximale des personnes tout en garantissant l’approvisionnement alimentaire des populations, la demande de maintien de nos marchés alimentaires a été rejetée. Cette décision était d’autant moins compréhensible que les grandes surfaces pouvaient continuer d’accueillir des clients dans des conditions qui, parfois, étaient moins strictes que celles prévues pour les marchés.
Déficit de mobilisation et de dialogue : le Sénat s’est interrogé sur des choix opérationnels du Gouvernement. La haute assemblée a notamment relevé que, malgré les risques de saturation du SAMU, les pompiers et les acteurs de la sécurité civile ont été trop peu associés à la gestion de la crise. Le Sénat a par ailleurs regretté que “les agences régionales de santé (ARS) n’aient pas suffisamment dialogué avec les préfectures et les acteurs territoriaux”.
Une application pour rien ? Particulièrement coûteuse, l’application StopCovid n’a pas eu le succès escompté. Trois semaines après son lancement, seulement 14 utilisateurs avaient été avertis d’un risque de contact avec une personne contaminée ; téléchargée un peu moins de 2 millions de fois, elle a finalement été désinstallée par un quart des utilisateurs. Et que dire lorsque le Premier ministre, lui-même, avoue ne pas avoir installé l’application, sinon que le chef du gouvernement semble, lui-même, ne pas croire en son efficacité.
Une stratégie de dépistage contestable : la stratégie des tests massifs s’est révélée contre-productive, la possibilité de pouvoir effectuer un test sans ordonnance et sans symptôme, tout en étant remboursé par la Sécurité sociale a occasionné un embouteillage des laboratoires d'analyses. De plus, cette absence de priorisation a également engendré des délais trop importants entre le test et le résultat.
A ce stade de l’épidémie, nul ne sait comment la situation va évoluer. Il n’en reste pas moins que le partenariat, tant prôné par le Gouvernement, avec des élus locaux décidés à assumer pleinement leur responsabilité, est resté et reste encore de l’ordre du discours. Ce n’est pas le moindre des enseignements de cette crise.
Comments